Scolarisation

Scolarisation des filles en Mauritanie


Situation générale :
Selon de nombreux intervenants du réseau scolaire, la scolarisation des filles n’est pas vraiment l’objet d’une discrimination ou de problèmes spécifiques, du moins au niveau du cycle fondamental. Le faible taux de scolarisation des filles relèverait donc d’un problème d’offre beaucoup plus que de demande : les parents seraient, sauf exception mariginale², tout à fait disposés à envoyer leurs filles à l’école, mais c’est le réseau scoalire qui ne parviendrait à « suivire le rythme » pour accueillir tous les enfants que les parents désirent scolariser. Autrement dit, il suffirait de pouvoir offrir aux populations suffisamment d’écoles, de maîtres expérimentés, d’équipement scolaire et de matériel didactique, bref d’accroitre la capacité d’accueil du réseau pour que la scolarisation fondamentale devienne peu ou prou universelle, tant pour les filles que pour les garçons.
Cette assertion apparait en meme temps juste et trompeuse. Juste pour deux raisons. Premièrement, parce qu’on a constaté effectivement une croissance continue de la scolarisation, pour les filles comme pour les garçons. Deuxièmement, parce qu’on peut relever historiquement une corrélation positive entre le taux général de scolarisation et le taux de participation des filles : c’est à dire que plus la scolarisation s’étend à l’ensemble de la population, moins la discrimination à l’encontre des filles sembles jouer. Ainsi, alors qu’en 1970, avec un taux brut de scolarisation (G+F) de 12%, les filles ne représentaient que 26,5% des effectifs du fondamental, en 1992-93 avec un taux brut de scolarisation estimé à près de 70%, les filles représentent 44% de la population scolaire du cycle fondamental.
On pourrait en tirer la conclusion qu’il s’agit donc de laisser le temps faire son œuvre, et que si le mouvement se continue, lorsque la couverture scolaire permettra un taux de scolarisation de 90%, les filles constitueront la moitié de l’effectif scolaire, et que la situation d’inéquité sera chose du passé…
Toutefois, cette assertion est également trompeuse. En premier lieu parce que, commen ous allons le voir à travers l’examen des différents indicateurs statistiques, la situation scolaire des filles accuse des variations considérables d’une région (wilaya) à l’autre du pays. Dans certaine régions de l’Est et du fleuve, on remarque par exemple, que la participation des filles plafonne depuis plusieurs années sous la barre de 40%. Plus significatif encore, si l’on examine la situation au niveau départemental (moughataa), on constate que dans certains départements ruraux en particulier le taux de participation féminine est en regression.
Comme ces régions sont souvent zones peu peupléeset soumises à un exode rural accéléré suite à la sécheresse, la regression des taux de participation féminine ne pèse pas très lourd dans la balance, lorsqu’on considère uniquement les moyennes nationales, voire régionales : elle est compensée par l’accroissement de la participation féminine en zones urbaines. Toutefois, cette regression est l’indice d’une tendance générale vers une accentuation des distorsions régionales entre le milieu urbain et le milieu rural, qui ne peut être ignorée. D’autre part , force est de constater que, face à une offre scolaire qui reste (et qui risque de rester encore pendant quelques décennnies) déficitaire, les filles ne se retrouvent pas dans une situation dégalité ou d’équité par rapport aux garçons, puisque leurs taux d’inscription et de promotion restent nettement en-deça de celui des garçons. Ceci est dû au fait que plusieurs « facteurs limitatifs » se font sentir davantage pour les filles que pour les garçons.
Par ailleurs, on ne peut présumer et prendre pour acquis que le mouvement à la hausse de la demande de scolarisation et du pourcentage des filles continuera selon une courbe constante. On a assisté en effet, dans certains pays de la sous-région, à une réduction de la croissance, voire parfois une regression des taux de scolarisation. La nouveauté de cette situation tient au fait que le ralentissement de la scolarisation n’est plus seulement dû à l’incapacité matérielle ou financière des Etats de suivre la croissance démographique ou la croissance de la demande scolaire, mais est liée à une chute de la demande de scolarisation. Dans un contexte ou la scolarisation ne conduit plus à une garantie d’emploi face à un marché largement saturé, dans un contexte où la qualité de l’enseignement a souvent fait les frais de sa généralisation, de larges portions de la populations –pour qui l’école moderne reste encore une réalité sinon nouvelle, du moins toujours étrangère- s’interrogent sur leur avantage à scolariser leurs enfants. Les coûts directs et indirects (manque à gagner) impliqués par la scolarisation, mais aussi les « coûts culturels » associés à l’école et à la modernité (bouleversements des structures sociales, érosion des valeurs traditionnelles, etc…) sont-ils encore compensés par la promesse hypothétique d’un avenir meilleur sur le plan matériel ? Pour de plus en plus de gens, il semble que la réponse soit : non ». (Extrait de l’étude de MORF, Nicole sur : « La scolarisation des filles au cycle fondamental », T1, octobre 1994(NSI, Inc), RIM, projet éducation III, p 1-2)


Quelques chiffres clés : 

  • -taux de scolarisation des filles : 69,9%
  • -dans le primaire : 68,2%
  • -dans le secondaire : 41,3%
  • -dans le technique et professionnel : 28%
  • -et dans le supérieur : 21,1%
  • -taux d’alphabétisation : 52% (et 27% en milieu rural)
  • -taux de déperdition scolaire : 30,3%

Contraintes à la scolarisation des filles 
Les principales études sur les contraintes à la scolarisation des filles en Mauritanie montrent que les filles ont de grandes difficultés à : (i) poursuivre leurs études, (ii) se maintenir dans le système éducatif et (iii) réussir aux examens de fin de cycle, pour des raisons multiples, interactives et s’expliquant par le contexte socio-économique et socio-culturel. Plus particulièrement, il s’agit de: 

      1.  l’extrême pauvreté des parents et des coûts d’opportunités très élevés pour la plupart des familles.  Malgré l’effort consenti par l’Etat mauritanien, le inancement de l’éducation reste problématique. La quasi-totalité du budget de ce secteur est en effet consacré aux salaires et l’essentiel des frais de scolarisation incombe aux populations. L’achat de toutes les fournitures et manuels, mais   également la participation à la construction et à l’entretien des bâtiments scolaires sont à la charge des parents; 
      2. la distance à parcourir entre les collèges situés dans les villes et le lieu de résidence. Dans un pays désertique où la densité de la population est de 2,4 habitants par km2, cette distance est dissuasive  à la fois et pour les filles et pour les parents qui craignent pour leur sécurité; 
      3. les tâches domestiques que les adolescentes doivent assumer traditionnellement, tout au long de la journée et de l’année, que ce soit dans leur famille ou chez les parents qui les accueillent en ville; 
      4. les mariages et maternités précoces: une fille sur quatre est mariée dès l’âge de 12 ans, une fille sur deux dès l’âge de 14 ans et trois filles sur quatre à l’âge de 17 ans; 
      5. les représentations sociales discriminatoires sur l’identité et le rôle de la femme, avec pour corollaire la dévalorisation des études des filles; 
      6. les attitudes sexistes véhiculées par les contenus des programmes et des manuels scolaires  renforçant les représentations traditionnelles; 
      7. les comportements et commentaires des enseignants où souvent transparaissent des messages discriminatoires et désobligeants à l’égard des filles; 
      8. les méthodes pédagogiques essentiellement axées sur des exposés dogmatiques, faisant appel à la mémoire plutôt qu’au raisonnement, combinées à une discipline autoritaire souvent blessante et  humiliante pour la fille; 

le nombre réduit de femmes enseignantes au niveau de l’enseignement secondaire. En 1998/1999, les femmes ne représentaient que 12,7 % des enseignants du 1er cycle (les collèges) et 7,1 % des   enseignants du 2ème cycle (les lycées). (Extrait du site web du Pnud-Mauritanie : http://www.un.mr/filles/raisons-diffultes.html).


Voir les liens suivants :
Déperdition scolaire
Analyse de la situation de la scolarisation des filles en Mauritanie